mercredi 27 août 2014

ROTHSCHILD (ABBÉ JOSEPH LÉMANN 2 FÉVRIER 1896)





I. LA MAISON DE L' "ENSEIGNE ROUGE" DANS LA VIEILLE RUE DES JUIFS, A FRANCFORT : BERCEAU ET COMMENCEMENT D'UNE DYNASTIE FINANCIÈRE


Goethe a décrit ainsi l'aspect de la Judengasse ou quartier juif de Francfort : "Rue étroite, triste et sale, aux maisons enfumées, à la population grouillante". Il y avait là une maison ornée d'une enseigne rouge (roth Schild). C'est à cette en- seigne, à cet écu rouge, que se rattache le nom de la famille qui allait devenir la plus opulente de l'univers. Une dynastie d'un nouveau genre, devait sortir de cet endroit humilié. Un certain Moïse Anselme (Moses Amschel), brocanteur de curiosités et de vieilles médailles, gagnait sa vie en colportant de village en village sa modeste balle sur son dos.

On raconte de lui un trait qui peint bien sa caractéristique prudence. Chemin faisant, il rencontra un jour un de ses compatriotes, colporteur comme lui, mais plus fortuné que lui, puisqu'il possédait un âne. Sur l'offre obligeante qui lui en fut faite Amschel Moses s'allégea de son fardeau, qu'il déposa sur le bât. Arrivés au bort d'un ravin profond, sur lequel on avait jeté un branlant pont de planches, il arrêta l'âne, reprit sa balle, répondant à son compagnon qui le raillait : "Il arrive parfois des accidents dans des passages comme celui-ci, et puisque cette balle contient tout ce que je possède, vous ne me saurez pas mauvais gré d'être prudent". Bien lui en prit de l'être, car l'âne et son conducteur s'étaient à peine engagés sur le pont qu'il s'effondrait sous leur double poids, les en- traînant dans l'abîme1. Mayer Amschel, son fils, naquit en 1743.

Destiné par ses parents à devenir rabbin, il fut envoyé à Fürth pour y suivre un cours de théologie juive ; mais la vocation lui faisait défaut. Son goût le portait à collectionner et à trafiquer de vieilles médailles et anciennes monnaies ; il se lia avec des numismates qui apprécièrent sa sagacité et son jugement, et entra comme employé dans la maison de banque des Oppenheim, de Hanovre. Il y resta quelques années, très estimé des chefs de cette maison. Sobre, économe, actif, il mit de côté quelque argent et s'établit pour son compte, achetant et ven- dant médailles et monnaies, joignant à ce commerce, dans lequel il était passé maître, celui des objets d'art, des métaux précieux, des avances sur dépôts, jusqu'au jour où il put se consacrer exclusivement aux opérations de banque.

Ce fut lui qui fit l'achat de la vieille maison à l'Enseigne rouge de la Judengasse de Francfort. En y entrant, il en prit le nom, et devint Rothschild. La fortune signa cette appellation. Il y établit sa femme, Gudula Schnape, la mère de tous les Rothschild, des cinq Crésus modernes. L'humble juive n'al- lait-elle pas faire pendant à Marie-Lætitia Ramolino, la mère de la famille des rois du nom de Napoléon ? Disons, en pas- sant qu'elle ne consentit jamais à quitter, pour un plus brillant séjour, la maison de l'Enseigne rouge : elle l'habita jusqu'en 1849 ; elle s'y éteignit doucement, dans sa quatre-vingt-seizième année. A sa réputation d'habileté, Mayer Anselme-Rothschild joignait celle d'une rare intégrité. On l'appelait l'honnête juif. Il sut gagner la confiance du landgrave ou électeur de Hesse-Cassel, Guillaume IX. Ce souverain s'était formé un trésor, un amas d'or, de pierres précieuses. En 1806, survint la grande débâcle des petits princes allemands : leurs principautés fu- rent envahies de toutes parts par les armées de Napoléon.

On vint annoncer à Guillaume IX l'envahissement de ses petits États : précipitamment, il fit venir en secret, dans son palais, Mayer-Anselme. De cette entrevue et de ce qui la suivit date la grandeur de la maison Rothschild. 

Les détails précis en étaient peu connus. Les mémoires d'un témoin, d'un contemporain, du général baron de Marbot, ont apporté une lumière propice ; laissons-le parler : "Obligé de quitter Cassel à la hâte pour se réfugier en Angleterre, l'Électeur de Hesse, qui passait pour le plus riche capitaliste d'Europe, ne pouvant emporter la totalité de son trésor, fit venir un juif francfortois, nommé Rothschild, banquier de troisième ordre et peu marquant, mais connu pour la scrupuleuse régularité avec laquelle il pratiquait sa religion, ce qui détermina l'Electeur à lui confier 15 millions en espèces. Les intérêts, de cet argent devaient appartenir au banquier qui ne serait tenu qu'à rendre le capital.

"Le palais de Cassel ayant été occupe par nos troupes, les agents du Trésor français y saisirent des valeurs considérables, surtout en tableaux ; mais, on n'y trouva pas d'argent monnayé. Il paraissait cependant impossible, que, dans sa fuite précipitée, l'Électeur eût enlevé la totalité de son immense fortune. Or, comme d'après ce qu'on était convenu d'appeler les lois de la guerre, les capitaux et les revenus des valeurs trouvées en pays ennemi appartiennent de droit au vainqueur, on voulut savoir ce qu'était devenu le trésor de Cassel. Les informations prises à ce sujet ayant fait connaître qu'avant son départ l'Electeur avait passé une journée entière avec le Juif Rothschild, une Commission impériale se rendit chez celui-ci, dont la caisse et les registres furet minutieusement examinés. Mais, ce fut en vain : on ne trouva aucune trace du dépôt fait par l'Électeur. Les menaces et l'intimidation n'eurent aucun succès, de sorte que la Commission, bien persuadée qu'aucun intérêt mondain ne déterminerait un homme aussi religieux que Rothschild à se parjurer, voulut lui déférer le serment. Il refusa de le prêter ; il fut question de l'arrêter ; mais l'empereur s'opposa à cet acte de violence, le jugeant inefficace. On eut alors recours à un moyen fort peu honorable. Ne pouvant vaincre la résistance du banquier, on espéra le gagner par l'appât du gain : on lui proposa de lui laisser la moitié du trésor s'il voulait livrer l'autre à l'administration française ; celle-ci lui donnerait un récépissé de la totalité, accompagné d'un acte de saisie, prouvant qu'il n'avait fait que céder à la force, ce qui le mettrait à l'abri de toute réclamation ; mais la probité du juif fit encore repousser ce moyen, et, de guerre lasse, on le laissa en repos.                                                           

"Les 15 millions restèrent donc entre les mains de Rothschild depuis 1806 jusqu'à la chute de l'Empire, en 1814. A cette époque, l'Électeur étant rentré dans ses Etats, le banquier francfortois lui rendit exactement le dépôt qu'il lui avait confié. Vous figurez-vous quelle somme considérable avait dû produire, dans un laps de temps de huit années, un ca- pital de 15 millions entre les mains d'un banquier juif et francfortois !... Aussi, est-ce de cette époque que date l'opu- lence de la maison des frères Rothschild, qui durent ainsi, à la probité de leur père, la haute position financière qu'ils occupent aujourd'hui dans tous les pays civilisés" 1

Ce ne fut pas le vieux Mayer-Anselme qui eut la consolation de remettre entre les mains de l'Électeur le trésor confié, ce soin fut laissé à son fils Nathan (en 1814). Le fidèle dépositaire était mort, le 13 septembre 1812. Avant de mourir, il avait rassemblé autour de son lit ses cinq fils, Anselme, Salomon, Nathan, James et Charles, et leur avait dit : Restez toujours fidèles à la loi de Moïse; - ne vous séparez jamais ; - ne faites rien sans les conseils, de votre mère ; si vous observez ces trois préceptes que je vous donne, vous deviendrez riches parmi les plus riches, et le monde vous appartiendra 2. On doit convenir qu'il y avait dans ces recommandations quelque parcelle de l'ancienne grandeur patriarcale ! Les prédictions du vieux Francfortois devaient se réaliser. Une dynastie financière était fondée 3

II. NATHAN ROTHSCHILD ET LE DUC DE WELLINGTON  


A la mort du père, les cinq fils, tout en restant unis, se répandirent dans le monde : Salomon alla à Vienne, Nathan se fixa à Londres, James vint à Paris, Charles, prit Naples, tandis qu'Anselme, l'aîné, celui qui portait le nom du père, garda la maison de Francfort. Cinq Rothschild tenaient ainsi les cinq grands marchés financiers de l'Europe. Forts de leur union, de leurs capitaux accumulés, du nom de leur père, ils étaient prêts à profiter des événements qui se précipitaient, des changements que devait amener la chute de l'Empire, imminente et prévue. Sentinelles d'un nouveau genre, ils se renvoyaient l'un à l'autre, de leurs observatoires, le mot de garde des anciens remparts de Jérusalem : Sentinelle,qu'avez-vous recueilli de cette nuit ? Sentinelle, qu'avez-vous vu dans la nuit ? (Isaïe, XXI, 11). 

Le Rothschild de Londres était Nathan. C'est lui que son père avait chargé de rapporter à l'Electeur de Hesse les 15 millions confiés. Ils les avait eus, du reste, en sa possession dès 1806, pour les faire valoir : "Mon père m'avait expédié ces fonds dont, je tirai si bon parti, que le prince me fit plus tard présent de tout son vin et de son linge"4. Ce Rothschild anglais était de beaucoup le plus original de la famille. Lorsqu'il s'était établi en Angleterre et qu'il avait tenté la fortune au Stock-Exchange (Bourse de Londres), les premières fois, on s'était peu occupé de lui, "et les têtes grises des vétérans de la Bourse traitèrent avec quelque dédain le fils du banquier de Francfort". Mais il avait conquis rapidement sa place, quand on l'avait vu "en cinq années retourner 2500 fois son capital", organiser un service spécial de courriers, consacrer des sommes considérables à l'achat de pigeons voyageurs, multiplier les moyens d'informations sûres et promptes". La chute de l'Empire et la bataille de Waterloo devaient lui fournir l'occasion décisive d'inaugurer, sur le premier marché                                                          

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1 Mémoires du général baron Marbot, t. I, ch. XXXI.

2 The Rothschilds, JOHN REEVES. Revue des Deux-Mondes, 1888

3 Le Pèlerin du 18 décembre 1892, n° 833, p. 713, parlait ainsi :  "Une famille juive possède à elle seule plus de trois milliards, c'est-à-dire dix fois autant que toutes les communautés réu- nies. Et le père de cette famille allemande, venue de Francfort, il y a seulement un siècle, Anselme Mayer Rothschild, vendait, dans cette ville, des articles de pacotille, la balle au dos".  "Les trois fils de Noé, écrit M. Dubourg, se partagèrent le monde pour le peupler ; les cinq fils de Rothschild se partagèrent l'Europe pour l'exploiter. Anselme, l'aîné, eut Francfort et l'Allemagne. Salomon eut Vienne et l'Autriche. Nathan choisit Londres et l'Angleterre. La défaite de Waterloo arrondit sa petite fortune de vingt millions. On doutait du succès en Angleterre, et les fonds baissaient, bais- saient. Lui, en bon juif, dès qu'il sut le désastre, par les juifs qui suivaient l'armée pour achever les blessés et dépouiller les cadavres, il arriva le premier en Angleterre par une tempête effroyable, acheta tant, qu'il put et annonça sa victoire… après la bourse. Charles s'établit à Naples, mais il a fui devant l'unité italienne, et sa famille est en France. "James, le Benjamin de sa famille, s'est ad- jugé la part du lion, dans Paris et la France. C'est le fondateur de la dynastie française d'Israël ; il est mort en 1868, laissant, lui ainsi, cinq garçons :

1° Alphonse, qui habite, à Paris, le magnifique hôtel de Talleyrand, rue Saint-Florentin.

2° Nathaniel, mort. Il a eu deux fils ; l'un, Edmond, qui perdit, en jouant contre l'Union générale, en 1881, et se suicida ; l'autre, Arthur, qui est le propriétaire du yacht princier Eros. 3° Salomon, mort.

4°  Gustave, qui a perdu, il y a quelque temps, plusieurs millions à la Bourse. On se contenterait volontiers des millions qui lui restent ; mais la famille qui ne l'entendait pas ainsi, réunit en hâte le Conseil pour lui enlever l'administration de ses biens.

5° Enfin, Edmond, qui est un ardent collectionneur : il a payé dernièrement une vieille commode 600 000 francs. "Trois milliards pour une demi-douzaine de juifs font juste 500 millions pour chacun, c'est-à-dire de quoi posséder 500 châteaux de millionnaires avec dépendances et revenus assortis. "Comment la juiverie est-elle arrivée là ? par les emprunts qu'ont nécessités nos guerres et nos révolutions, par la finance à tous les degrés, et puis par la presse. "En 1840, un rabbin disait au Congrès de Cracovie : Je propose d'urgence l'attaque contre la presse de tous les pays. Il nous faut à tout prix, le monopole de la presse. Aujourd'hui, les bulletins financiers et tous les grands journaux sont à la solde des juifs. L'Autriche, l'Angleterre, l'Italie, l'Allemagne sont envahies par la presse juive. "On prétend bien à tort, disait l'auteur, que ceux qui régissent la France, ce sont nos députés, nos sénateurs, nos ministres. Eh bien! non, ces Messieurs règnent, mais ne gouvernent pas, et, pour être appelés gouvernants, ils n'en sont pas moins gouvernés. Il y a derrière eux toute la juiverie en général, et la dynastie de Rothschild en particulier. Pénétrez dans toutes les arrière-boutiques du journalisme, de la finance, des théâtres,de la Chambre et du Sénat, et vous trouverez quelque juif en train de compter quelque argent, en train d'acheter quelque conscience".

4 The Rothschilds, by John Reeves. 


[ A suivre]

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